Taitung et Lanyu
Passage de la côte Ouest à la côte d’Est en traversant la montagne en train. Une heure après le départ de Kaohsiung la transition s’opère et laisse le paysage du Pacifique d’un bleu profond et d’une côte mouvementée.
Les montagnes s’arrêtent quelques kilomètres avant les côtes ne laissant qu’un peu de terrain praticable pour les occupant. On alterne entre des plages de sable gris et des falaises tranchantes.
J’ai prévu de rester 3 jours à Taitung, l’étape phare étant Lanyu, l’ile volcanique aux orchidées. Taitung dispose d’un aéroport avec une compagnie opérant des vols entres les deux îles de la région.
Aussitôt arrivé à la gare, je me mets en quête d’un scooter à louer. Vingt minutes plus tard et après avoir essuyé refus sur refus, il faut se rendre à l’évidence : ils n’ont pas les mêmes règles ici !
Soi, je prends donc un taxi pour me rendre directement à l’aéroport afin de réserver mon vol aller-retour le lendemain. Ayant eu écho que la météo pouvait être capricieuse sur l’île, je leur demande si ma visite de l’ile en une journée tient la route : « Oui oui pas de souci ».
Une fois le billet en poche, direction le centre-ville. Il est 14h, l’AirBnB n’ouvre ses portes qu’à 15h, je pars en quête d’un déjeuner. Non vraiment, pas les mêmes règles… Tous les restaurant ferment leur porte à 14h pétante pour n’ouvrir que quelques heures plus tard pour le dîner.
Je fais tout de même la rencontre de Michaël travaillant dans un restaurant japonais qui s’excuse et m’invite à revenir le soir-même. Entre-temps, le 7/11 du coin fera l’affaire avec une soupe de nouilles instantanées. C’est chaud, ça cale et ça fait la job.
Steven me reçoit, son AirBnB se situe dans les locaux de son entreprise qui héberge de temps à autre des étudiants. Il est prof en informatique et propose des formations dans ses locaux.
Je lui fait part de mon vol prévu le lendemain matin, il me propose de m’emmener en scooter car il se rend à la messe (on est dimanche) non loin de là. Parfait !
Une petite sieste plus tard, bercée par la répétition des chants catholiques de Steven et ses amis, et je pars à la découverte de la ville direction la plage.
Il n’y a pas grand monde, à vrai dire il commence même à faire nuit et le fond de l’air est frais. Pourtant des enfants viennent ici profiter des derniers rayons de soleil. Les vagues du Pacifiques viennent s’échouer avec force le long de la plage. Plus loin un ancien brise-lame contribue à amplifier la symphonie environnante. Je marche quelques dizaines de mètre pendant que la nuit s’installe. Un joueur de saxo enchaîne les morceaux face à la mer, je m’installe à côté de lui pour l’écouter :
Il fait maintenant nuit noire. J’avais repéré quelques heures auparavant un coin prometteur dans le centre. Un endroit dédié aux expositions d’art et d’artisanat local.
L’atmosphère y est totalement différente, des lanternes peintes à la main sont accrochées aux arbres arborant fièrement l’endroit.
Petit détour par le marché de nuit et je m’en vais rejoindre le restaurant japonais repéré plus tôt.
A l’intérieur on se croirait dans une Izakya japonaise, c’est décoré avec soin pour recréée l’atmosphère typique.
Michaël prend la place du serveur attitré et sera de bons conseils quant aux plats à choisir. Il repassera plusieurs fois pour prendre le temps de m’expliquer les environs, la démarche du restaurant et de voyages. Il parle parfaitement anglais.
Retour tôt pour un repos bien mérité.
Lanyu, jour 1
7h, je pars rejoindre Steven en bas qui me tend un casque. Aujourd’hui je voyage léger avec un simple sac à dos contenant l’essentiel pour une journée. Arrivé à l’aéroport, on me donne mon billet (officiel) au comptoir de la compagnie, par contre pour le billet de retour, il faudra le prendre sur place. Pourquoi pas.
L’avion en question est un Dornier 228-200, il ne reste plus de place disponible. On décolle rapidement et après avoir survolé la plage nous voici au dessus du Pacifique. Peu de vent en altitude, la traversée ne dure que 20min.
L’île en vue, le pilote commence son approche. Plein volet, train sorti, visiblement en pleine vente arrière…. Où est la piste ?! Dernier virage, je vois enfin au travers du cockpit… C’est un putain de timbre poste d’ici.
A 200 pieds, vent de travers en rafales venant de la montagne qui nous souffle comme une vulgaire feuille. On est clairement pas stabilisé et les pilotes poursuivent, il règne comme un lourd silence dans la cabine et le cockpit.
Une roue au sol, le pilote freine et pousse la reverse au maximum. La deuxième roue touche terre quelques mètres plus loin. La piste déroule rapidement sous le ventre de l’engin et le pilote freine de tout son plein.
On s’arrête à 5m de la fin de la piste, tout le monde respire. Bienvenue à Lanyu !
A l’aéroport, je trouve de quoi louer un scooter, il n’y a pas trop le choix, c’est plutôt minimaliste dans l’ensemble. Le prix est deux fois plus élevé qu’à l’habitude… Je regarde ma réserve de cash… J’aurais dû prévoir plus !
Je m’élance sur la route, le paysage est à couper le souffle. Végétation verdoyante, plages et falaises coupées au couteau, mer passant par tous les dégradés de bleu foncé et montagnes clairement volcaniques. Ça valait bien la petite suée de toute à l’heure.
Je m’arrête quasiment tous les kilomètres de spot en spot. Un petit point GPS, OK si je continue comme ça je vais faire le tour de l’île en une heure. Il y a plusieurs endroit où faire quelques rapides randos, c’est le moment.
Je grimpe en haut d’une falaise, vue imprenable sur toute une partie de l’île, en contrebas se situe la « Lover’s Cave ». Étrange nom, allons voir…
Ici, l’océan vient se jeter contre les parois de la caverne creusée sans relâche depuis des siècles. Les vagues viennent se fracasser avec un bruit sourd et sec.
Tout en bas, la roche prend la couleur d’un rose foncée ce qui explique le nom de l’endroit je suppose.
Retour sur le scooter pour boucler le tour de l’île, j’en profite pour me rendre au nouveau phare perché tout en haut de la montagne< (l’ancien est au port principal mais n’est plus en activité). Je prends ensuite la deuxième route (celle qui traverse de part en part l’île via un col) et rejoint la station météo perchée un peu plus haut. Encore une vue imprenable !
J’avale rapidement un déjeuner et décide de me rendre à l’aéroport pour essayer de prendre un vol plus tôt.
Première surprise, tous les vols suivant mon vol de ce matin ont été annulés pour cause de météo. Seul est parti le vol de 13h :
Quand tu ne sais pas que tu film ta dernière chance de partir…
Deuxième surprise, il y a une liste d’attente de 20 pages pour s’inscrire sur les prochains vols. Peu importe si on a déjà réservé un vol de retour, c’est la liste d’attente qui fait foi.
Il y a encore deux vols de prévu pour la journée. J’allume un cierge et patiente. Vol annulé ! Plus qu’un. Trente minutes plus tard, l’annonce retentit dans l’aéroport, vol annulé, toute l’assemblée pousse un soupir de frustration et se lève d’un même homme. En même temps, tout l’aéroport est littéralement en train de fermer boutique. Je m’avance vers le comptoir de la compagnie qui m’annonce que je risque d’être bloqué jusqu’à mardi car demain la météo n’est pas clémente. L’option bateau ? Pas avant mardi aussi ! Bien bien bien #galère. Un simple sac à dos, une réserve de cash au plus bas, il va falloir improviser.
Heureusement, les locaux prennent ma situation en désespoir et m’aide à trouver un logement, certains m’ont même proposé de m’héberger contre travail. Ma future logeuse arrive en scooter et m’emmène jusqu’à chez elle. M’annonce un prix pour la nuit, j’ai quoi rester qu’une nuit mais c’est déjà ça. Elle aussi veut aller à terre, on se rendra donc demain à l’aéroport avec un stock de cierge. Petite promenade sur la plage plus bas afin de profiter du coucher de soleil. Je lui loue un scooter une heure pour manger au 7/11 du coin ; seul « restaurant » ouvert dans le coin. J’en profite pour faire quelques provisions en comptant chaque NT$ dépensés. Pas d’ATM ici, il faut se rendre à poste non loin de l’aéroport, mais les cartes de débit immédiat ne fonctionnent pas. Mouep je n’y crois pas des masse avec Revolut, j’ai déjà dû tenter plusieurs banques même à terre… alors ici…
Heureusement, j’ai eu la présence d’esprit de prendre ma liseuse dans mon sac me permettant ainsi d’avancer dans mes lectures. Car oui, ici pas de signal sauf à l’aéroport !
Lanyu, jour 2
Ma logeuse m’attends plus bas dans sa voiture avec ses deux filles et son fils. On file direction l’aéroport avec leurs bagages et l’espoir que la météo sera en notre faveur.
Elle ne le sera pas toute la journée. Les deux manches à air disposées à chaque extrémités de la piste indiquent une direction différente, droites comme un T. Ça ne sera pas pour aujourd’hui. Dans la salle d’attente, certaines personnes étaient déjà là hier, mais nous formons un groupe moins important. Une belle assemblée d’optimistes désespérés, les autres seront restés chez eux.
Pendant ce temps, on s’occupe comme un peu, avions en papier d’essuie-mains, télévisions qui repassent le même programme en boucle, vérification visuelle de la météo, discussion avec les locaux. Je fais aussi plus ample connaissance avec l’employée de la compagnie. Elle vient de Taipei et est arrivée sur l’île il y a quelques années. Avant cela, elle a traversé le Canada et visité un peu l’Amérique du sud. C’est donc pour cela qu’elle parle bien anglais. Visiblement la vie ici est plutôt monotone mais satisfera ceux en quête d’un endroit calme et relaxant.Je suppose qu’il faut aussi aimer les jeux de hasard, avoir un vol pour le continent tient plus de la loterie qu’autre chose.
Dernier vol annulé ! Les derniers espoirs s’envolent avec la fermeture de l’aéroport. Il est temps de repartir au bercail. Je crois que ma logeuse s’est prise de sympathie pour ma situation et me propose de partager leur repas avec eux. En rentrant, les filles s’amusent avec les chiens pendant que leur mère prépare le repas. On fait ensuite plus ample connaissance, elle s’est mariée avec un local, vivait avant à Taipei et travaillait à la chaîne dans une usine d’assemblage électronique. Elle préfère largement sa vie maintenant. Malheureusement, il y a quelques mois, son mari féru de pêche sous-marine n’en fut jamais revenu. Elle me raconte la vie d’ici calme et paisible régie par un autre rythme que sur le continent. Elle souhaite se rendre à Taipei pour les funérailles de sa grand-mère. Maintenant, je comprends un peu mieux pourquoi son moral n’est pas au beau fixe.
Son fils ne sera finalement pas du voyage. Plus tôt, à l’aéroport, elle s’est arrangée pour que je puisse prendre sa place dans la liste d’attente.
La soirée se termine, il faut prendre ses forces, demain sera une longue journée. Car si l’avion ne vient pas, je devrai prendre le bateau pour au moins trois à quatre heures de traversée houleuse.
Lanyu, jour 3
Nous sommes beaucoup plus nombreux dans la salle d’attente. La météo annonce un temps plus clément pour aujourd’hui. Le comptoir ouvre et nous imprime nos billets, c’est bon signe : l’avion est enfin parti de Taitung.
Quelques minutes plus tard, on peut entendre le vrombissement des moteurs du Dornier. Il vient d’atterrir : ouf !
On monte dans l’avion qui s’élance quelques minutes plus tard vers les côtes. Atterrissage à Taitung, on se dit au revoir et je saute dans un taxi. Une douche chaude, récupération du linge qui a eu plus que le temps de sécher. Petit détour par le restaurant Japonais où j’avais promis à Michaël quelques jours plutôt de repasser le voir pour lui montrer les photos de Lanyu (il n’y a jamais été). Il me remerciera sur LINE quelques heures plus tard et envisage de passer ses prochaines vacances là bas. Je quitte la ville dans le Taxi qu’il m’a commandé. Direction la gare où je prends une billet pour le premier train pour d’autres aventures vers Hualien.